"Vers un paradigme du partage"

2 octobre 2024

Hubert Tardieu, membre indépendant du Conseil d’Administration de Gaia-X, est récemment intervenu à la Conférence “Data-sharing in Europe: the implementation challenge”, organisée à l’Université Paris Dauphine-PSL, le 12 septembre 2024. Au cours de cette conférence, et dans un article de fond publié au début de l’été, il défend une stratégie européenne des données innovante et transfrontalière. 

L’innovation est le moteur principal de la compétitivité économique et de la prospérité des sociétés modernes. Les grands mouvements d’innovation récents se sont de plus en plus déplacés des biens tangibles vers l’espace numérique. Les services intelligents et les technologies numériques de plateforme ont de loin surpassé les modèles commerciaux traditionnels en termes de marge bénéficiaire, de taux de croissance et d’évolutivité.

Les données jouent un rôle essentiel dans cette transition numérique, constituant la ressource clé pour des services innovants et les gains de productivité dans tous les secteurs. Pourtant, une grande partie des données reste inexploitée – encore 80% des données en Europe il y a 4 ans -, ce qui constitue un véritable frein économique. 

La stratégie européenne pour les données vise à créer un cadre pour une économie de données équitable et interopérable, en favorisant le partage de données au sein d’espaces de données européens. La mise en œuvre de cette stratégie a progressé grâce à des lois comme la Data Governance Act (DGA) et la Data Act (DA), ainsi que la création d’initiatives et de projets paneuropéens. Cette approche a également attiré l’attention mondiale, des pays comme les États-Unis et la Chine suivant des voies similaires.

Toutefois, le contexte international évolue rapidement, et l’Europe doit adapter sa stratégie pour maintenir son autonomie stratégique face aux tensions économiques globales et aux défis liés à l’IA générative. Cette dernière offre d’innombrables opportunités, mais requiert une grande puissance de calcul et un accès à des données de qualité. L’Union européenne doit donc accélérer son développement technologique et renforcer sa capacité à capter la valeur de ses vastes réservoirs de données.

Un rapport commandé par le Conseil européen souligne l’importance d’une « cinquième liberté » pour compléter les quatre libertés traditionnelles du marché unique (liberté de circulation des biens, services, personnes et capitaux) : « la cinquième liberté englobera plusieurs domaines, parmi lesquels la recherche, l’innovation, les données, les compétences, la connaissance et l’éducation ». L’Europe doit exploiter pleinement ses ressources de données et éviter qu’elles ne bénéficient à des entités extérieures.

La nouvelle Commission européenne devra s’appuyer sur les fondations bâties au cours des dernières années en déployant la stratégie européenne pour les données, et la développer davantage selon six axes stratégiques :

  • Regarder au-delà des frontières européennes

Développer une stratégie de données qui s’étend au-delà du marché intérieur européen. Comme pour les échanges de biens, prioriser le partage transfrontalier de données, dans toutes les chaînes d’approvisionnement mondiales, tout en promouvant des normes basées sur les valeurs européennes.

  • Modèles de fondation ouverts et axés sur la qualité

Utiliser les données de haute qualité disponibles en Europe pour enrichir les modèles de base de l’IA générative. Garantir la souveraineté des données et exploiter les ressources européennes, comme les clusters HPC.

  • Partage de données pour des cas d’utilisation multilatéraux

Favoriser l’innovation en combinant des données d’entreprises avec des données contextuelles et clients. Cela ouvre la voie à de nouvelles opportunités commerciales.

  • Open source et standardisation

Promouvoir les logiciels open source et renforcer les liens avec les normes internationales, via des collaborations avec des organismes tels que l’ISO.

  • Économie des plateformes

Comprendre l’économie des espaces de données, qui fonctionnent comme des plateformes avec des effets de réseau. Encourager la collaboration entre les acteurs pour maximiser les bénéfices des infrastructures de données partagées.

  • Conformité automatisée

Créer des cadres juridiques pour réguler l’économie des données tout en favorisant des technologies facilitant la conformité légale, comme l’ingénierie des normes et la conformité automatisée.

En somme, l’avenir de l’économie numérique européenne repose non seulement sur des stratégies politiques, mais aussi sur l’adoption d’une culture du partage des données, une notion ancrée dans les valeurs européennes.


Lire l’article original : 

https://legrandcontinent.eu/fr/2024/06/21/leurope-dans-leconomie-mondiale-des-donnees-vers-un-paradigme-du-partage/